....bienvenue chez moi


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Bienvenue dans mon nouvel espace
"le crayon et la plume"
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dimanche 30 septembre 2012

*Tel le chant du ramier quand l'averse est prochaine..

"tel le chant du ramier quand l'averse est prochaine - L'air se poudre de pluie, de soleil revenant -, je  m'éveille lavé, je fonds en m'élevant, je vendange le ciel novice.

Allongé contre toi, je meus ta liberté. Je suis un bloc de terre   qui réclame sa fleur.

Est-il gorge menuisée plus radieuse que la tienne ? Demander c'est mourir !

L'aile de ton soupir met un duvet aux feuilles. Le trait de mon amour ferme le fruit, le boit.

 Je suis dans la grâce de ton visage que mes ténèbres couvrent de joie.

Comme il est beau ton cri qui me donne ton silence" !

in les Matinaux, la Parole en archipel, la Pléiade, p. 372
René Char





samedi 29 septembre 2012

*La mine de sel de Wieliczka en Pologne

A une dizaine de kilomètres de Cracovie, cette mine de sel unique au monde, est exploitée depuis le XIIIème siècle, sur 9 niveaux, et 300 kms de galeries. Elle est toujours en activité, mais de façon accessoire. Le tourisme y ayant  pris un pas plus important.

On salue le visiteur par un "Dieu te garde" !

Par 378 marches d'un escalier étroit ou en ascenseur traversé de courants d'air, permettent la descente dans les entrailles de la mine de sel gemme,  à moins 64 mètres de profondeur.



On entre dans une autre dimension, un monde étrange, fantasmagorique, de puits, de salles taillées à la main, un autre monde où le travail,  jadis,  des mineurs transparaît, dans un milieu hostile, difficile,  en l'honneur de Dieu. Ils chantent sans merci ; ils creusent des chapelles, une église remarquable,  jusqu'au XIXème siècle - pour la beauté du geste... l'apaisement de leurs mémoires... sans cesse...des statues, des sculptures... 








du sel partout, du sol au plafond, sur les murs.

On continue la descente.
moins 90 m de profondeur, on s'enfonce toujours plus bas, dans les entrailles de la terre
à moins 100 m de profondeur, le point d'orgue de la visite : la salle la plus inattendue.. une cathédrale à l'acoustique exceptionnelle,  en l'honneur de la Reine Kinga, la bienheureuse (Cunégonde)  de 12 m de hauteur - 54 m de longueur, et trente années pour achever cette splendeur de sel entièrement, (de 1895 à 1927), des bas-reliefs, des statues, des sculptures, des lustres.... ce qui a nécessité le déblaiement de 15 000 tonnes de blocs salins 

- à moins 125 m de profondeur on trouve  un centre de conférences de plus de 1000 places, qui organise là, des fêtes, des compétitions sportives, des mariages, des messes...

 - à moins 135 m de profondeur,un musée installé dans 16 salles au 3ème niveau, représente une collection d'objets de la mine parfois insolites.




Au premier niveau, le visiteur peut voir un ensemble de sculptures taillées dans des blocs de sel qui illustrent l'histoire de la découverte de la mine...



partout des représentations de la vie de Jésus, des scènes bibliques... en sel...



                                                                                                              



La mine de sel de Wieliczka  est inscrite au Patrimoine Mondial de l'Unesco depuis 1978.
Une oeuvre unique au monde.


Merci à Hugo pour les photos... !


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(réf. Wikipédia)

jeudi 27 septembre 2012

*Les journées du Patrimoine...



En balade autour d'Aix, au coeur de la campagne provençale, la bastide vénitienne de Château La Coste, depuis 1682, aux nuances de rose, et qui a hérité d'une longue histoire,   peut se targuer avec sa terre de posséder encore aujourd'hui, et en ses lieux, un vignoble aux vins délicats...

Elle nous a ouvert ses portes en ce jour du Patrimoine.
Il faisait très chaud, et la fête fut belle à la gloire du Vin et des Arts

....et de son domaine,  et ses traditions viticoles et agricoles datant de l'époque romaine,
.....et de sa philosophie du vin  : le domaine préserve le terroir, les principes biodynamiques ; depuis 2009 les vins de Château La Coste ont été labélisés " Agriculture Bioloique", label qui reconnaît le respect des terres
ainsi que les méthodes en adéquation harmonieuse avec la nature. (dixit le Maître de Chai).

Bordés de forêts de chênes, de vergers d'amandiers, de champs d'oliviers, et de plus d'une centaine d'hectares de vignes savamment cultivées, la bastide et le domaine constituent ce   vaste territoire situé au Nord d'Aix-en-Provence, en passant par la Cride...

Là, les bâtiments de la ferme et les maisons sont bâtis autour d'une place ombragée d'un vieux platane créant à lui seul une atmosphère villageoise.

Il fait frais. Il fait bon.

Le café de l'Art Center permet une restauration journalière, de 10 h à 19 h au bord de sa terrasse près de l'eau

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Château La Coste ce n'est plus seulement un vignoble, c'est aussi devenu, et grâce à un homme d'affaire irlandais Patrick Mckillen, un nouveau lieu d'Art et d'Architecture "un lieu unique où le Vin, l'Art et l'Architecture  se retrouvent"..."une démarche mêlant l'amour du vin, le respect du travail des vignerons et de la terre, et la passion pour l'art contemporain"

L'Ivresse de l'Art.... 


Ici,
Crouching Spider (2003) de Louise Bourgeois (*)
Une araignée lévitant au milieu d'un bassin qui cache de façon habile le parking visiteur...

Ici des scènes d'ombre et de lumière....
Est-ce de l'Art ou de l'Architecture. ?
On peut s'interroger, mais ce n'est pas important. L'important là c'est de découvrir ce lieu étonnant par ses sentiers secrets  ; ici c'est l'araignée géante, de bronze vêtue, grandie par son reflet dans les eaux du bassin,
en suspension, au-dessus de ses eaux, silencieuse ;
là, les pierres sèches, et nous voilà sous terre, aveuglés par les ombres obscures, mais l'oeil s'habitue in fine, et rencontre alors l'invisible visible dans la salle souterraine, .... là encore, de longs troncs entrelacés comme un nid surdimensionné, mais à l'envers du décor...




Visite au Château La Coste au Puy Ste Reparade





Le Centre d'Art (2011) de Tadao Ando
où la mise en valeur du béton caractérise si bien ici l'architecte japonais




Infinity (2010) de Hiroshi Sugimoto
Sculpture en acier inoxydable trône au coeur du Centre d'Art




Le bassin roule ses eaux calmes, planes, plates comme des galets
lisses comme le visage des enfants,
sous l'oeil émerveillé des collines voisines




La visite est d'un calme,
comme les eaux du bassin !
les yeux regardent et fixent tant de beautés !

à voir, et à revoir... assurément.... ce domaine viticole devenu ce centre  unique au monde, 
ces grands artistes contemporains, tous étonnamment très inspirés !

en ce lieu magique, entouré  des vignes,  des collines et du ciel bleu Provence.. 

un lieu troublant ; reposant !

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merci à Gérard pour les photos...
J'avais oublié mon appareil !


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(*) Louise Bourgeois plasticienne et sculptrice française naturalisée américaine, (née le 25 décembre 1911 à Paris, est morte le 31 mai 2010 à New-York, elle a 98 ans).
Reconnue dans son travail artistique, elle n'a eu de cesse, parce que mue d'une acuité psychologique très développée, de décortiquer les thèmes universels, les relations entre les êtres, la procréation, la maternité, parfois sous la forme de femme-maison,  entremêlant le corps à l'architecture, avec malice, tendresse ou colère.

Installée aux USA, à New-York, dans le quartier de Chelsea, dans les années 1950, elle raconte son histoire car la France lui manque,  par des totems  tortueux et lisses, surréalistes..  

La sculpture "Maman" la "travailleuse", l'élégante araignée plantée sur ses pattes, que l'on voit au Canada, au Musée des Beaux-Arts d'Ottawa, comme celle au Musée Guggenheim de Bilbao, représente la mère, "parce que ma mère était ma meilleure amie, aussi intelligente, patiente, propre et utile, raisonnable, indispensable, qu'une araignée". Elle symbolise les tapisseries qu'elle réparait.... (ses parents étaient restaurateurs de tapisseries anciennes)  (toile de l'araignée) et  tout le matériel qui s'y rapporte, aiguilles, fils..

(réf. Wikipédia)
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*Je veux écrire en trois maux...

J'ai déposé mon crayon et ma plume
sur la page de poussière parée,
pressés de coucher des images,
quelques mots impatients d'exister.










Un mot de douceur enveloppé
chemine dans les  fils de soie gris argentés,
Assoiffé de rêves étoilés
par les sentes de mon cahier,

le mot a vu se glisser dans la phrase
d'autres mots, en un mot, d'autres lettres-lianes emmêlées,
 enrubannées,
et même des voyelles de papier attachées,
 à la recherche d'un temps plus que passé,
dans le coin de ma page,
de la phrase-rivage,

contemple le reflet des consonnes sagement
alignées,
accrochées,
les unes aux autres, rangées, étirées,
en rubans,
dans un-deux pas effréné,
mystérieux, étourdissant,
impudique, effleuré.

Dans le secret des Dieux,
J'ai vu vos yeux,
arrondis, étonnés, amusés,
dessinés au crayon à la plume
Sergent Major, Baignol et Farjon,
comme antan


au crayon plume au stylo porte-plume,
abandonner la page travaillée en silence
laissant le mot écrit,
vivant ragaillardi
par la main par la tête.

... Ils parlent les mots, stupéfiés
en écho prolongé

de la tête à la main
de la phrase courbée, recourbée, légèrement ridée,
caressée par le vent, fatiguée
dans le matin brumeux
ennuagé, nuageux
sur la traverse du vague à l'âme,
par la fenêtre de la page.

En secret, tous ont chuchoté,
tous ont raconté
le mot, les mots, les phrases :
ils attendent en lignes rangées,
les bonnes fées.... !










Den

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Je veux écrire
réécrire des mots
en trois maux
au crayon intense et dense
profonds et beaux
tremper ma plume à trois pans,
sans usure
à l'oeil en forme de serrure
dans l'encre violette d'antan...

sur le bord du chemin
 sans sommeil..
je veux écrire,
réécrire des mots sourire....



Den


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mercredi 26 septembre 2012

*In magnificentia naturae, resurgit spiritus


"La passion chemine par degrés vers les larmes. Et puis, voici Vicence.
Ici, les journées tournent sur elles-mêmes, depuis l'éveil du jour gonflé du cri des poules jusqu'à ce soir sans égal, doucereux et tendre, soyeux derrière les cyprès et mesurés longuement par le chant des cigales.
Ce silence intérieur  qui m'accompagne, il naît de la course lente qui mène la journée à cette autre journée.


Qu'ai-je à souhaiter d'autre  que cette chambre ouverte sur la plaine, avec ses meubles antiques et ses dentelles au crochet. J'ai tout le ciel sur la face et ce tournoiement des journées, il me semble que je pourrais
le suivre sans cesse, immobile,  tournoyant  avec elles.  Je respire le seul bonheur dont je sois capable -
une conscience attentive et amicale.
Je me promène tout le jour...
ainsi les journées passent.


Après l'éblouissement  des heures pleines de soleil, le soir vient,   dans le décor splendide que lui fait l'or du couchant et le noir des cyprès. Je marche alors sur la route, vers les  cigales qui s'entendent de si loin....
J'avance d'un pas lent, oppressé par tant d'ardente beauté. ...les cigales enflent leurs voix, puis chantent :
un mystère dans ce ciel d'où tombent l'indifférence et la beauté. Et, dans la dernière lumière, je lis au fronton
d'une villa : " in magnificentia naturae, resurgit spiritus". C'est là qu'il faut s'arrêter. La première étoile  déjà,
puis trois lumières sur la colline d'en face, la nuit soudain tombée sans rien  qui l'ait annoncée,  un murmure et une brise dans les buissons derrière moi, la journée s'est enfuie, me laissant sa douceur"...

Albert Camus
L'envers et l'endroit (1958)


Pour Elisanne :
"Vivez comme si...."

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dimanche 23 septembre 2012

*Travail d'écriture, de mémoire...

Le travail d'écriture, de mémoire est un travail silencieux, solitaire ; il demande patience, douceur d'écoute, persévérance, c'est lutter contre l'oubli, témoigner...

Pour cela je m'efforce de faire comprendre ce qu'elle a vécu, maman, ou supposant ce qu'elle n'a pas vécu.. aider à mieux comprendre sa grande force intérieure, tenter de l'expliquer.

Attachée à cet avancement en écriture : toute page, tout mot insignifiant, vide, maladroit, ou que je trouve insatisfaisant à mon exigence est rayé, corrigé, réécrit, et dès que je parviens à trouver le mot le plus adéquat, le plus explicite, je suis prête, moi, sa fille, d'une main décidée, à immortaliser ce mot, cette phrase surgis de sa mémoire, dans l'autrefois, dans un jeu décalé, en constante navigation entre le "je" présent et le "je" passé.

Den





















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samedi 22 septembre 2012

*Et puisqu'on parle de photos...

Et puisqu'on parle de photos, j'ai retrouvé les miennes, mélangées à d'autres documents familiaux, des correspondances très anciennes, échangées pendant les deux guerres, et autres.. des photos.

Je suis vraiment très heureuse de pouvoir poser mon regard aiguisé sur cet hier.

J'ai commencé à rassembler ces marques du temps. Je prends mon élan.
Je retrouve les photos du début de mon histoire. J'ai moins d'un ans. J'ai trois, quatre ans.

On est en 1946. On est en 1949, peut-être.
Mes yeux se souviennent. J'entends le vol d'un oiseau dans les branchages, je sens le parfum enivrant des roses trémières, et j'effleure la peau si douce du bras bronzé de maman.

Je suis si bien là au chaud, dans cet univers doux et patient.
Heureuse.

Et dans ce temple particulier, dans ce sanctuaire de la mémoire figée, ces images constituent une réelle apparition bienveillante comme surgies du désert, une profonde impression bouleversant ainsi mon âme, avec le sentiment d'être née pour devenir ce que je suis aujourd'hui.

Une représentation tout à fait romantique.
Poétique.

***


La première photo, je la retrouve.

C'est un petit format rectangulaire de 8 cm sur 6 cm, il me représente.
Je dois avoir huit mois, pas plus, on est en septembre, octobre 1946.

Une photo à caractère intime, personnel.

Vêtue d'une robe claire, avec des manches courtes ballons, laisse entre apercevoir deux petits pieds nus en liberté, sans chaussettes ni chaussures, pour le bien-être uniquement.

On est à une trentaine de  kilomètres d'Aix-en-Provence, où je suis née, lors d'une mutation de papa.
Probablement à l'intérieur de la maison qui irradie d'un rayon de soleil automnal encore haut.
Avoir chaud.

Dans mon landau, assise, je souris, soutenue par la main protectrice de maman, puisqu'elle n'est pas visible sur l'image ; je n'aperçois que son bras, mais je sais qu'elle est là, présente, comme toujours.

Je lis dans mes yeux l'affection qui nous réunit, sereine en cet instant.

Je vois une belle enfant, pleine de vie, radieuse, qui semble écouter sa maman qui parle.
Je suis touchée par ses traits réguliers, les miens, le front est bombé, de belles petites oreilles bien placées, des yeux bridés qui voient loin, un petit nez court occupe peu d'espace dans ce visage harmonieux, juste ce qu'il faut. Le tout agrémenté d'un large sourire.

Légèrement tournée, je n'apparais pas de face, entièrement, mais j'essaye déjà de construire avec toi ce lien indéfectible qui relie une mère à son enfant. Qui devrait..

Je suis au premier plan, immaculée.

Le second plan ne laisse rien deviner.

C'est une masse sombre.

Sur la deuxième photo,

Au premier plan, on voit maman, Camille, et moi sa toute petite.
La photo a due être prise le même jour que la photo précédente, à la maisonnette, là aussi près de la voie ferrée puisque Justin, mon papa, est employé à la SNCF;

On est toujours en 1946, je porte la même robe claire, sur les genoux de maman, qui sourit à l'objectif de mon père, et je joue, en mouvement sur la photo, ne fixant pas mon géniteur.

Peut-être que le soleil présent ce jour-là me gêne.
La photo est prise à l'extérieur sous la tonnelle, en arrière-plan un arbuste est feuillu.

Au premier plan, maman apparaît lumineuse, comme elle est, heureuse de pouvoir montrer sa progéniture.
C'est une femme charmante. Très à la mode, certainement, vêtue d'une robe pieds de poule, épaulée comme il faut, laissant découvrir un bras gracile sous une manche légèrement descendante.

Un dessin sur le devant de la robe, au niveau de la poitrine montre en apparence un buste, et un corsage bien féminins.
Des chaussures claires, à talons, prolongent la fine cheville, laissant voir une languette proéminente, qui ressort bombée de la chaussure, comme à l'époque.

Les cheveux noirs de maman font découvrir un beau visage régulier. Ils sont coiffés crantés sur le dessus de la tête, en hauteur.

A ses pieds, un large bouquet de marguerites habille la photo, certainement déposé par papa. C'est jour de fête, puisqu'on montre la petite.

Je suis émue par ce passé recomposé.
Ces deux photos vont ensemble.
Deux par deux.

Les deux autres photos aussi.
Elles ont été prises à la foire de Marseille.

Soit, j'ai 3 ans et demi.
On est alors en septembre 1949 : ma soeur est née en juin de cette année ; mais trop petite elle n'a pu faire le déplacement et a été gardée par une personne de confiance à la maison.

Soit, j'ai 4 ans et demi.
On est en septembre 1950 :
de toutes les façons, on est en septembre 1949 ou 1950.
Comme toutes les années, la Foire se tenait et se  tient à la rentrée scolaire.

Au premier plan, et sur la première photo, mes parents me donnent la main, chacun de part et d'autre, protecteurs. En habits de ville, entourés par deux de mes oncles, les frères de papa, Aimé et Gustave, eux aussi en habits de ville.

Peu de sourires des uns et des autres. Peut-être des soucis, ou la prise inattendue par un objectif qui vole l'intimité, et qu'on refuse.

Une enfant sérieuse, elle aussi, entourée par une famille bienveillante, ça se voit.

Ils avancent vers la sortie de la Foire, puisqu'on aperçoit dans le fond de l'image les grilles du Parc Chanot, en second plan.

La deuxième photo est à l'identique, et ne montre que la petite, moi, plutôt boudeuse ce jour-là.

Ces images  racontent une partie de mon histoire. 1949.1950.
En marche avec eux, ils guident mes pas, attentionnés.
J'apparais volontaire, mais réfléchie. Ce que je suis toujours. Trop peut-être.



N'ai-je pas fait un caprice ce jour-là ? ou bien un désir n'a-t-il pas été assouvi ?
Le regard est plutôt sombre. Aucun sourire marqué à la commissure des lèvres. Pourtant la journée a dû être bonne, et la promenade devait bien se terminer. Assurément.

L'absence de ma soeur a-t-elle pesée dans l'histoire racontée de cette journée ?

Le baiser que je ne lui ai pas donné avant de partir, m'a-t-il manqué ce jour-là, comme il a pu lui manquer de ne pas le recevoir ?

Je retourne dans ma mémoire et revis ces instants bien lointains, mais vivants en moi. Des fantômes chuchotent et racontent les retrouvailles joyeuses des deux soeurs, ici sur la page enroulée, le soir, et au retour après cette expédition à la Foire de Marseille.

Den


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*Avant nous, avant soi...


Il est malaisé d'écrire sur sa mère,  quelle que soit la période...d'évoquer son avant..

Avant nous, avant soi.

Ce peut-être en désordre comme ici. Ou pas. Mais à présent, et là sur la page, le temps n'existe plus.

Sur l'énigmatique et opaque question demeurée sans réponse : qui a-t-elle été avant ma naissance, qui a-t-elle pu être, de petit enfant à femme, avant moi ?

Je transcris par des mots pressés de s'imprimer, qui n'attendent pas, je restitue, j'essaie de restituer ce qui a existé, peut-être bien, ce que je crois, en dehors de ma vie.

J'écris le plus justement possible, par des phrases riches en expression, j'essaie, palpitantes parfois, attendrissantes, aussi.

Je tente. J'essaie, contradictoire à l'intérieur de moi, déchirée au plus  profond de moi,  par ces phrases et ces mots divergents, incohérents, illogiques, contraires à ce que je veux écrire...rendre vie.

Ces vies ont vécu.. ; des vies croisées. Parallèles.

C'est un projet d'écriture, et quel projet ! j'explique celle qui m'a donné le jour, sur ce que je crois  d'elle, le supposé, que j'imagine,  le plus précisément possible.

Je vais continuer.

Mais en dehors de cela, ce qui me manque le plus, c'est l'absence de représentations photographiques, de bébé, à enfant-fillette.

Aucune image.

Je n'ai pas connu le visage de maman, petite.

Les premières photos que je possède, couleur sépia, ne remontent qu'au passage obligé de l'enfance à l'âge adulte, pas avant. Elles ne nous racontent pas le passé le plus ancien de son histoire, ni certaines étapes de sa vie, ni ses secrets intérieurs. Je les ignore.

Avant, il n'y avait rien. Rien que je puisse regarder. Je l'ai méconnue maman. Je n'ai jamais pu la voir, l'imaginer.

Distanciée d'elle, éloignée comme par l'adolescence qui taraude, qui questionne, qui cherche.

En fait, j'ai vécu sans photo, un amour séparé de Camille, petite.

Pourtant j'ai essayé de la découvrir, l'envisager, la projeter, à partir d'une photo retrouvée, envisager l'enfant qu'elle a pu peut-être être. Son nez, ses sourcils, ses yeux bridés, ses cheveux noirs. Ses petites mains rondes et pleines de fossettes.

Je me représente ainsi, son corps ressuscité de fillette qui brille de mille feux. Jusque là je ne possède rien de visuel, de tangible, qui puisse ne pas me faire douter.

J'écris sur maman, sur son histoire. Je n'invente pas son récit, mais conçois une réalité particulière, qui est sienne. La sienne.

Ici, sur cette page, j'écris au crayon noir, et je glisse le long de la mémoire éclairée par une lumière dorée, et je cherche, je parle de l'immensité, de l'infini. Je parle de la mémoire, de l'avant. De l'impalpable.

Et toujours je perpétue et recommence les mêmes hésitations, les mêmes douleurs.

De l'histoire, je parle, donc d'Amour.

Et par conséquence, je parle de maintenant.

Den

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jeudi 20 septembre 2012

*Là, ici, cachée sur l'étroit rebord de la fenêtre...



Là, ici, cachée sur l'étroit rebord de la fenêtre, j'observe de ma place, immobile et silencieuse, le passage d'un tracteur ou d'un animal familier, gourmande de ce temps. Je prends le temps.

J'aime déjà rêver, et heureusement.

J'aperçois et j'entends  leur va-et-vient.

C'est le temps balancé entre un autrefois encore présent et la vie d'aujourd'hui qui me happe.

Allongée sur le dos, à même le sol, sur des brindilles, je regarde avec contemplation et délice les grands marronniers centenaires, comme on admire le ciel immense, dans un vacillement contrôlé, jusqu'au bout des arbres qui touchent presque l'azur, rassérénée par tant de beauté. Par chance, ces marronniers, et je ne le sais pas encore,   ne connaissent pas le chancre bactérien, ni la pollution... ce sera pour plus tard, autour de la périphérie urbaine..

Mes yeux d'enfant, puisque je n'ai pas encore six ans, caressent toute la splendeur du monde retenue en ce lieu magique, où tout peu arriver, par ce souffle divin qui seul peut tout changer, jusque dans les recoins des branchages les plus bas, et j'accroche alors mon regard sur quelques marrons encapsulés dans leurs coques épaisses, charnues, hérissées d'épines molles.
Les marronniers d'inde  transpirent majestueusement, avec féérie, face à moi, la petite fille pleine d'envies.

Ces marrons à la rondeur enfantine jonchent le sol, et je confectionne grâce à eux des bonhommes à la peu brillante, de toutes formes, des grands, des petits, statiques, complétés avec des allumettes en guise de bras et de jambes, ou unijambistes.

J'émiettes et écrase, peut-être des akènes, je prends dans mes mains ce que je crois être des faines, des amandes, et les observe, les tourne, les retourne, les décortiquant quelquefois comme je décortique avec mes petits doigts les feuilles des marronniers ne laissant subsister que leurs fines nervures et leur pédoncule.
Curieuse.

Je cherche et trouve des sauterelles, peut-être des criquets, aux ailes colorées, des bleues, des rosées, presque rouges, hésitant le plus souvent à leur arracher les ailes, mais ça arrive, et je les conserve alors dans des boîtes d'allumettes vides.





Pour le moment, et à cette époque, les jeux ne sont que ceux que l'on invente.  


C'est l'enfance joyeuse, inconsciente aussi d'un temps qui s'échappe, et d'un autre qui arrive, doté d'un rythme nouveau, tonique, volontaire et plein de force. Lumineux comme un jour extraordinaire.

Le temps, ici, pour l'instant, a toujours un goût sucré, timide comme j'aime, comme le raisin fraîchement cueilli qu'on mordille goulûment à pleine bouche, à pleines dents, alors que le ciel ne se chargera pas de nuages, mais rajoutera un air qui ressemble au bonheur pour les choses simples.

Timide, j'avance.

Je regarde et entre aperçoit les arbres, les plants qui offriront leurs fleurs coupées, leurs fruits cueillis, les fleurs coupées nouées d'un ruban ficelle, et seront vendues au marché par les oncles : les pois de senteurs, les giroflées, les oeillets des poètes, les roses...


Le jardin s'égoutte dans les rigoles qui serpentent près du bosquet, et prend son temps, goutte à goutte..

Ici, et là, chaque chose a encore un sens, le sens de la vie.

Je retrouve leur goût dans ce coin de ma page, à la lumière du cahier d'écolier sur lequel je m'applique à ne rien oublier.

J'avance.

Silencieuse. Attentive.

Den





mercredi 19 septembre 2012

*J'ai entendu, et entendu à nouveau, le murmure des temps passés....

Gustave taille les arbres, je ramasse les branches jetées à terre, une à une, et je les entasse en un moulon de plus en plus gros. Je transpire, heureuse de rendre service à mon oncle. Camille range les chambres et secoue les draps, les oreillers. Je l'entends chanter "bambino, bambino"...
Quand le vent s'insinue partout et se glisse entre les portes et les fenêtres, quand le roseau s'incline un peu trop loin risquant une cassure, comme le saule pleureur au bord du ruisseau penche son immense chevelure pour la mirer dans ses eaux, quand la fleur exhale le meilleur de son parfum, je me souviens d'eux, mes amis,
je n'ai rien oublié de ce temps même si certains détails s'effilochent dans mon esprit en clair-obscur.



Là, seule sur ma page d'écriture, j'ai aussi retrouvé ma peur des rapaces tournoyant, pour un éventuel rapt d'enfant désobéissant, comme dit maman, ce qui m'impressionne et me parcourt de frissons, au-dessus de la bâtisse ou du jardin ou sur le chemin qui mène à la maisonnette.

Là encore, je regarde dans la belle demeure des maîtres, par la fenêtre, en cachette, et j'aperçois telle une voleuse, celle qui n'aurait pas le droit de scruter d'un regard envieux, plutôt admiratif, les beaux meubles anciens, ni sentir l'odeur de la cire qui transpire jusque hors de la bâtisse cossue qui respire. Le tapis de cheminement, gardien des lieux, est en velours rouge incarnat, rouge clair et vif à la fois, entre la couleur cerise et le rose.



C'est en ce lieu,  et dans la propriété,  je crois, que sera tourné le film franco-italien réalisé par Léo Joannon en 1967, "les Arnaud".
Mais pour l'instant nous sommes en 1952, et cette réalisation n'a pas encore eu lieu.

J'en ai entendu parler bien plus tard.

Tout me manque.

Ce n'était pas encore le temps de l'urgente invitation, attaché que l'on est au fil invisible, mais toujours présent de l'immédiateté froide, trop étourdi par elle, qui permet un sentiment de toute puissance, pourtant ficelé à la baguette que l'on croit magique, un fil à la patte, qui entraîne l'esclavage dans notre espace-temps...

société qui écrase... qui accapare et prend trop de temps..

C'était le temps du lâcher prise...

J'ai retrouvé avec bonheur  les soirées qui durent et s'achèvent quand la lumière du ciel hésite encore à s'endormir pour un début de nuit pleine d'étoiles.

On s'est réuni entre nous, sur le pas de la porte, quelquefois rejoint par le berger qui raconte une nouvelle histoire tirée des légendes du pays.

On se souvient de son souffle court au pâtre, plein de l'accent chantant de chez nous, qui rallonge le mot de la phrase par un "hein", attaché à la rêverie, il raconte, et ceux qui écoutent connaissent l'histoire maintes fois racontée...

J'ai entendu, et entendu à nouveau, le murmure des temps passés qui ressurgit maintenant dans ma mémoire, dans de vieux souvenirs...

Ma peine est si grande de l'oubli que l'on a fait de cette période, de ces gens simples, mais ô combien remarquables remplis de la connaissance et de la sagesse de la terre, de la lune, des moissons...de la nature, du temps où on l'écoutait religieusement.

Les nuits continuent de s'habiller des silences profonds de ces hommes si bien mêlés à leur  terre, nos aïeux, courageux, qui perpétuent la mémoire paysanne et racontent la chaleur impudique des draps voluptueusement froissés, dans leurs chambres maritales, et le bruit craquant du foin que l'on accroche au bout de la fourche.

Ils n'ont jamais emprunté de raccourcis nos pères, mais les chemins les plus longs, les plus escarpés, les plus difficiles, pour se mesurer à eux, respirant à pleins poumons cette nature qu'ils aiment, toujours bienveillante à leur égard, au rythme répété des saisons.

J'ai déposé ici, quelque part leurs ombres silencieuses, comme on stoppe le temps, et le tic-tac de l'horloge que l'on remonte invariablement...ici..



Den

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*Ici, à la campagne....


Je reconnais avoir de la chance, moi l'enfant en devenir....

Ici, j'y ai appris la vie.

Je n'ai rien oublié, ni la saison ô combien douce en ce début d'automne, ni le tic-tac de l'horloge qui s'amuse en rythmant les heures qu'on aimerait arrêter, ni l'odeur du soufre qui a suivi le déclenchement d'une pluie inespérée sur l'aire, par l'éclatement des nuages, pour ne pas perdre la récolte, ni l'odeur de la terre remuée par la bêche, ni le raisin foulé aux pieds dans les immenses cuves, ni l'odeur forte de ce qui deviendra un bon vin.

J'ai beaucoup de chance.

J'ai retrouvé le vent dans les grands arbres, les oiseaux et les papillons qui s'y promènent, le jardin-potager tapi après la maison des maîtres, là, en bas, avec ses rangées de légumes  bien rectilignes, et ses arbres fruitiers.

Pour les cultures potagères, j'ai retrouvé la transmission des savoirs par mes oncles, ainsi que le soin apporté à leur production, au matériel agricole, le travail et l'amour de la terre, du terroir... : comment on taille les arbres, comment on pince leurs branches, les tiges pleines de sève, comment on greffe les tomates, les rosiers, les cerisiers, comment on cueille les fruits puis on les range dans des paniers, comment on trace des rigoles près des légumes pour leur irrigation, l'alimentation au goutte au goutte.

tout ça....

j'ai tout retrouvé...

J'ai gardé au plus profond de moi le souvenir d'intenses matins gourmands alors que le soleil se lève à peine, les copieux petits-déjeuners avec Léon mon grand-père, les tranches de saucisson découpées avec soin et servies avec un bon pain de campagne.. en cachette... et au désespoir de maman qui me juge un peu trop petite pour de tels petits-déjeuners aussi riches.

Entre campagne et ciel, les gestes n'ont pas changés, années après années.

J'ai retrouvé alors que je le croyais disparu de ma pensée, le temps des vendanges prometteuses avec la récolte des raisins parvenus à maturité, l'embauche des travailleurs saisonniers pour huit ou quinze jours, selon la  vendange,    et qui reviennent par bonheur tous les ans.

Les grappes cueillies avec délicatesse,  couchées dans d'immenses paniers,   et installés dans le tombereau à la fin de la journée, direction le pressoir pour la pesée.

Les paniers sont déversés dans la cuve vinaire, dans laquelle on foule, écrase, piétine, tasse le raisin fermenté, pieds-nus jusqu'à ne laisser qu'une grappe sans grain ni jus.

J'ai  retrouvé les "gueuletons" de fin de vendanges préparés par maman, Camille, devant le pressoir,  ou près des vignes.

Il fait encore chaud. Elle a sorti la nappe blanche. La table est immense. Bien remplie. La nourriture y est opulente, savoureuse, conviviale.

Den

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mardi 18 septembre 2012

*Un souvenir d'enfance surgit

Un souvenir d'enfance surgit aussi rapidement bref, aussi fugace qu'un éclair dans le ciel l'illumine.

Justin entre dans la vie d'une famille qui sera nombreuse. Il est le troisième enfant de Léon et Juliette, après Emilienne la seule fille de la famille, et Marcel son frère aîné ; suivront Aimé, Paul, Gustave, Galbert qui décèdera à l'âge d'un mois, puis Yves, Elisée, le petit dernier.

Et je me promène dans ma mémoire, ou dans la mémoire de maman, glanant ça et là de nouvelles informations, d'anciens souvenirs, au hasard, comme en pélerinage.

La plume glisse, alerte, se frayant de nouveau un passage, incognito sur la page.


On est en 1909....

Le charme de Juliette opère donc, et Léon tombe éperdument amoureux de cette belle jeune fille aux yeux bleus, une demoiselle J.... pour preuve cette carte postale retrouvée dans les archives familiales, "mes pensées sont toutes pour vous depuis bien longtemps, car j'ai une grande amitié pour vous". Il signe votre futur dévoué pour vous Léon ...  au Tholonet....

Den

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lundi 17 septembre 2012

*Les Dolomites.....


Rasun di Sotto (Italie)



Les cerfs au Parc

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dimanche 16 septembre 2012

*Tu es né à Saint Antonin... Justin....


Tu es né à St Antonin, papa,  en mai 1914, c'était un dimanche, tu as vécu enfant à la Vidale sur la petite route du Tholonet, quand on vient d'Aix, c'est sur la droite après le virage. Tu y as vécu, comme tes frères d'ailleurs,
en famille avec Léon et Juliette, vos parents.

Léon et Juliette
mes grands-parents paternels

Léon

Justin et Camille, mes parents, au centre de la photo

leurs fiançailles : 
à droite Yves, le frère de papa, l'avant-dernier enfant de la famille,
 et à gauche, leur frère Paul.


Cette bâtisse en contrebas du chemin, laisse apercevoir les tuiles de son toit, sous l'oeil bienveillant de la montagne Ste Victoire. Retapée en bastide, je l'imagine avec ses volets bleu lavande, clos pour ne pas faire entrer le soleil durant la saison chaude, le portail-portillon qui grince par temps de mistral, envahi par une herbe folle, ou un rosier sauvage, ou des genêts couleur soleil, par des fleurs embaumant ce lieu, mais en réalité je n'ai jamais pris le temps ni le courage de m'en approcher de plus près.




Non loin de là l'ombre fugitive du peintre Cézanne continue de vagabonder dans cet espace odoriférant sentant bon le thym, le romarin et le gingembre provençal, qu'est la sarriette.

Ton père Léon a connu Paul Cézanne du temps où sa réputation ne lui était pas toujours favorable, du temps de sa peinture de la campagne aixoise.

Cézanne empruntait la petite route du Tholonet afin de peindre notre montagne, sanctifiée au Moyen-Age par les chrétiens pour devenir la Ste Venture - le Mont Venturi selon la norme mistralienne - en occitan provençal ; et ce n'est qu'au XVIIème siècle que notre montagne a acquis son nom actuel, et ce pour une raison imprécise. La Sainte Victoire.

Quoiqu'il en soit, Cézanne marche le long de la route transportant avec lui ses tubes de peintures, ses pinceaux, ses chiffons, ses éponges, tout son matériel, qui vont lui permettre d'immortaliser à jamais, nos paysages provençaux, croisant et saluant Léon, si le temps n'est pas forcément propice à la discussion, mais à l'ébauche de sa prochaine toile.

Den






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